Symbole du cycle de la vie chez les Abelams
La culture des ignames en Papouasie-Nouvelle-Guinée donne lieu à un rituel annuel célébré par la tribu des Abelams. Tubercule aux pouvoirs magiques, ce monstre végétal de plusieurs mètres est la clé de voûte d’une culture d’échange, spirituelle et artistique.
Waapi en abelam et yam en pidgin, langue véhiculaire papoue, se récolte chaque année à l’occasion d’une grande cérémonie. Les Saambara, partenaires rituels, s’offrent mutuellement les plus beaux échantillons de leur jardin, symbolisant une extension physique de celui qui l’a fait pousser. Cette cérémonie est néanmoins frappée de certains interdits. « Les femmes ne doivent jamais pénétrer dans un jardin d’ignames, signale Wupipa Kanda, couronné du titre honorifique de Waritarit (expert en ignames). Durant 6 mois de la culture, il ne faut pas accepter de nourriture, de noix, de bétel ou de tabac d’une personne plus jeune. Et surtout, murmure-t-il, il ne faut pas coucher avec une femme … même la sienne ! »
La tribu des Abelams sont 50 000 répartis autour de la station de Maprik, créée en 1937 par les colons australiens, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Touché par le monde occidental depuis le début du XXème siècle, la société abelam a été profondément bouleversée par la colonisation et la modernité. Évangélisées et scolarisées, les nouvelles générations tournent le dos au challenge annuel des ignames. Les initiations sont complexes et risquent de disparaître, les dernières cérémonies datant des années 80.
Certains anciens ont néanmoins pris conscience de l’importance de préserver l’identité Abelam, comme Kelly Kandi, kukuraï (chef respecté) du village d’Apangaï. « Les missionnaires ont tenté de la détruire, mais notre culture est toujours là. En nous. Comme le soleil sur notre tête. Comme la terre sous nos pieds. Et nous allons nous battre pour la préserver et transmettre nos karawuts (des figures d’ancêtres matérialisés sous forme de petits pantins) à nos enfants. Aujourd’hui, les jeunes préfèrent s’affronter au rugby ou au foot alors que nos Jeux Olympiques à nous, c’est la culture des grands Mambutap ! Mais je ne désespère pas, nos esprits sont puissants : ils pourraient siffler des prolongations et une troisième mi-temps ! »
La culture, un Paris d’enfants